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Les dangers des produits désinfectants des eaux de piscine

Les produits à base de « chlore stabilisé » sont régulièrement achetés et utilisés pour purifier l’eau des piscines. Ces produits, d’un coût assez modéré, sont particulièrement efficaces pour éliminer les germes et autres impuretés apportés par les baigneurs. La désinfection est réalisée par réaction chimique en utilisant la réactivité, connue, des dérivés chlorés. Par conséquent, la connaissance des propriétés chimiques de ces produits est primordiale afin d’éviter les incidents et accidents susceptibles d’advenir pendant leur manipulation ou leur stockage.

 Les agents de chloration inorganiques

L’agent inorganique le plus souvent utilisé pour désinfecter les eaux de piscine est l’hypochlorite de calcium Ca(OCl)2. Ce composé est classé par l’Union européenne comme produit comburant, nocif, corrosif et dangereux pour l’environnement. Par ailleurs, la littérature montre qu’il peut réagir de manière dangereuse (incendie, explosion, génération de gaz toxiques ou inflammables…) avec de très nombreux produits (matériaux combustibles, acides, chlorure d’ammonium, éthanol, méthanol et autres composés hydroxylés, acétylène, mélange acide acétique-cyanure de potassium, oxydes métalliques, charbon, métaux, soufre et composés soufrés, turpentine). La mise en contact de l’hypochlorite de calcium et des dérivés azotés (ammoniac, amine aliphatique, amine aromatique, urée) nécessite une attention particulière dans la mesure où ce mélange conduit à la formation de composés instables (chloramines) susceptibles d’exploser.


Galets de chlore (photo Adobe Stock).

De plus, l’hypochlorite de calcium peut attaquer et détruire chimiquement les tissus biologiques par simple contact. Il est donc important de se protéger la peau et les yeux lors de sa manipulation.

La décomposition de Ca(OCl)2 solide conduit à la formation de Cl2O sensible aux chocs, à la friction, à la lumière, à la chaleur et aux charges électrostatiques. Cette décomposition varie selon la teneur en eau, la température de stockage et la présence d’impuretés dans le contenant.

Les agents de chloration organiques

Les agents de chloration pour piscine peuvent aussi être organiques. Ainsi, l’acide trichloroisocyanurique, le dichloroisocyanurate de sodium ou de potassium sont utilisés comme désinfectants. Ces trois produits nécessitent une vigilance particulière du fait des nombreux accidents rapportés. En 2003, le ministère de la santé, de la famille et des personnes handicapées et le ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité ont publié la circulaire DGS/SD 7 A/DRT/CT 4 no 2003-47 afin d’informer tout utilisateur de ces produits des risques d’incendie ou d’explosion lors du stockage et/ou de leur utilisation.

L’acide trichloroisocyanurique

L’acide trichloroisocyanurique est un produit classé comburant, nocif, irritant et dangereux pour l’environnement par l’Union européenne. Cette substance n’est pas inflammable mais elle peut réagir chimiquement avec des matières combustibles et les oxyder, favorisant ainsi le risque d’incendie ou d’explosion. Ce produit est instable à la chaleur : une élévation de température accélère la réaction de décomposition, augmentant ainsi la pression dans le récipient pouvant aller jusqu’à son éclatement. Les produits de décomposition de l’acide trichloroisocyanurique sont le chlore Cl2 et le trichlorure d’azote NCl3 qui sont bien plus toxiques que le produit de départ lui-même.

Le trichlorure d’azote

Le trichlorure d’azote NCl3 est un liquide jaune, dense (d = 1,63), assez volatil (pression de vapeur = 0,2 atm à 20 °C, Peb = 71 °C), très sensible aux chocs. Sous forme liquide, il peut détoner par simple mise en contact avec des matières organiques : la réaction est très exothermique, elle dégage de la chaleur localement. Une détonation peut aussi avoir lieu lors de l’émission de vapeur de NCl3, si la concentration émise est suffisante et si un point chaud se trouve à proximité.

L’acide trichloroisocyanurique est incompatible avec :
– les matières combustibles ;
– l’hypochlorite de calcium (réaction explosive) ;
– l’eau en faible quantité (formation de NCl3). Le mécanisme proposé pour la formation de NCl3 est le suivant : l’hydrolyse de l’acide conduit à la formation d’acide hypochloreux HOCl et de dichloro-s-triazinetrione. Ensuite HOCl attaque la liaison C=N du cycle triazine pour conduire à la formation de chloramine et de NCl3. Les solutions d’acide trichloroisocyanurique doivent toujours être préparées en versant le produit dans une grande quantité d’eau. L’acide trichloroisocyanurique doit être versé directement dans la piscine sans préparation de solution intermédiaire.

Le dichloroisocyanurate de sodium

Les dichloroisocyanurates de sodium ou de potassium sont des produits classés comburant, nocif, irritant et dangereux pour l’environnement par la communauté européenne. Ces produits doivent aussi être stockés dans un endroit sec car la présence d’humidité ou d’une petite quantité d’eau les décompose. Il se dégage alors du chlore Cl2 et du trichlorure d’azote NCl3, susceptibles d’exploser. En solution dans l’eau, ils s’hydrolysent en cyanurates C3N3H2O3Na(K) et en acide hypochloreux HOCl. Ce dernier se dissocie en hypochlorite ClO- et en proton H+. Cette dissociation est dépendante du pH. Au-delà de 230 °C, les dichloroisocyanurates forment des fumées toxiques de Cl2 et de NOx.

Incompatibilités

Le risque chimique majeur présenté par ces produits générateurs de chlore provient de leurs incompatibilités avec un grand nombre de produits chimiques.
D’après la circulaire no 2003-47, l’acide trichloroisocyanurique et le dichloroisocyanurate de sodium ou de potassium ne doivent pas être mélangés avec :
« – les produits de désinfection de piscine autorisés à base d’hypochlorite de sodium, de potassium ou de calcium ;
– les produits non autorisés pour la désinfection des piscines et pouvant être présents dans ces établissements ;
– les agents réducteurs (sulfures, sulfites, bisulfites, etc.) et les matières combustibles (huiles, graisse, sciure, etc.) ;
– les dérivés azotés tels que l’ammoniaque et ses sels, les nitrates et les ammoniums quaternaires (de nombreuses préparations pour la désinfection et/ou la destruction des mousses et des lichens sur les plages autour des bassins contiennent du chlorure d’alkyl benzyldiméthylammonium). »

Chaleur

La température du local de stockage est un paramètre important pour la stabilité des produits. Les agents de chloration organiques doivent être stockés loin des sources d’ignition et de chaleur afin d’éviter leur décomposition. Lorsque le processus est amorcé, les dichloroisocyanurates se décomposent jusqu’à épuisement de la matière, même si la source de chaleur est retirée. Ils peuvent ainsi enflammer les matières combustibles qui se trouvent aux alentours. En revanche, la décomposition de l’acide trichloroisocyanurique s’arrête lorsque la source de chaleur est éliminée.
La présence d’une cigarette ou d’une allumette enflammée proche du pot contenant ces produits peut donc déclencher la décomposition.

Contamination

Toutes ces substances sont des matières comburantes qui peuvent réagir avec des matières combustibles. Ces réactions peuvent avoir lieu spontanément à température ambiante ou lors d’une élévation de température dans la pièce de stockage. Il est donc essentiel de maintenir les agents de chloration à l’écart tous autres produits chimiques, pour éviter l’entrée de contaminants dans les récipients de stockage, susceptible de provoquer la libération de chaleur et de vapeurs toxiques. Les récipients contenant ces produits très hygroscopiques doivent toujours être hermétiquement fermés (emballage d’origine) même à proximité des piscines où le risque d’éclaboussures et donc de contamination par l’eau est possible. L’humidité est un facteur favorisant la décomposition. Le confinement du trichlorure d’azote gazeux, formé après la fermeture du récipient, peut faire exploser le contenant.


Bibliographie
  • Banque de données HSDB.
  • Banque de données ChemInfo.
  • Bretherick’s handbook of reactive chemical hazards, 6th ed., Vol 1, 1999.
  • Fiches toxicologiques, INRS, no 220, 2011.
  • « Risques d’incendie et d’explosion – Produits pour piscines : attention aux mélanges incompatibles » in Travail et Sécurité, INRS, avril 2002, page 13.
  • Circulaire DGS/SD 7 A/DRT/CT 4 n2003-47 du 30 janvier 2003 relative aux risques d’incendie ou d’explosion lors du stockage et/ou de l’utilisation de produits de traitement des eaux de piscines.
  • Louis Médard, Les explosifs occasionnels, Tec & Doc, 1999.
  • Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

 


Photo : Ostephy (morguefile.com)