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Chloroforme et Plexiglas®

Le chloroforme est couramment utilisé pour assembler des pièces de Plexiglas®. Mais cette opération peut-elle conduire à des dégagements de produits dangereux, inflammables ou explosifs ?

Un soudage par dissolution du polymère

La dénomination commerciale Plexiglas® se réfère au polyméthacrylate de méthyle ou PMMA, abréviation du terme anglais Polymethyl Methacrylate. Ce polymère thermoplastique[1] est un solide inerte reconnu pour ses propriétés optiques, sa transparence et sa résistance.

Le chloroforme, liquide incolore et volatil, peut être utilisé[2] pour assembler des pièces en polyméthacrylate de méthyle.

Nom Polyméthacrylate de méthyle (PMMA ou Plexiglas®) Trichlorométhane (chloroforme)
Numéro CAS 9011-14-7 67-66-3
Formule brute (C5O2H8)n CHCl3
Formule développée
Paramètre de solubilité (δ) 18.4-26.3 MPa1/2 à 25 °C 17.6 – 19 MPa1/2 à 25 °C

Le chloroforme est un très bon solvant pour le polyméthacrylate de méthyle (voir encadré sur le paramètre de solubilité). Cette caractéristique est utilisée pour le soudage à froid du Plexiglas® par dissolution momentanée du polymère à la surface de deux pièces. Le chloroforme n’agit pas comme adhésif, et ne provoque pas de dépolymérisation. Il s’agit d’un collage par dissolution, permettant la continuité du matériau sans adhésif.

Il n’est pas possible d’exclure la présence de traces de monomères (molécules de méthacrylate de méthyle, CAS 80-62-6) dans le film formé par le chloroforme en surface du polymère, puisque des traces de ces monomères peuvent exister au sein du polymère lui-même.

Les dégagements de vapeurs lors du soudage sont à attribuer essentiellement au chloroforme, solvant volatil mais ininflammable, et éventuellement aux traces d’unité monomère de méthacrylate de méthyle, qui est une substance volatile[3]. Le méthacrylate de méthyle présente essentiellement des dangers de sensibilisation cutanée et respiratoire et d’irritation respiratoire. Le risque associé à ces atteintes devrait être évité par l’observation des mêmes mesures de prévention que celles qui concernent l’exposition au chloroforme.

Le paramètre de solubilité (δ)
Pour évaluer la solubilité d’un polymère dans un solvant, une bonne indication est la comparaison de leurs paramètres de solubilité. En effet ce paramètre est représentatif des interactions de Van Der Waals et des liaisons hydrogène entre les molécules.
Si ces interactions sont de valeurs équivalentes pour le solvant et le polymère, un remplacement des interactions internes au polymère, par des interactions entre le polymère et le solvant est alors possible. Il y a alors dissolution du polymère.
Les valeurs du paramètre de solubilité rapportées dans la littérature du polyméthacrylate de méthyle et du chloroforme sont très proches voir égales, suivant les sources, ce qui fait du chloroforme un très bon solvant de ce polymère.

Ni inflammable, ni explosif

Le chloroforme, dans les conditions usuelles, n’est ni inflammable ni explosif et la dissolution du polymère n’est donc pas susceptible de dégager de substances possédant ces caractères dangereux. Le risque est essentiellement dû à l’exposition aux vapeurs de chloroforme. En effet, ce solvant est volatil, sa pression de vapeur saturante est de 212 kPa à 20 °C. Sa manipulation doit être effectuée dans le respect des principes généraux de prévention des risques, en particulier en prenant toute mesure visant à réduire le nombre de personnes exposées et les quantités en jeu.

Les dangers identifiés

Le polyméthacrylate de méthyle est un solide inerte et n’est pas une substance dangereuse au sens du règlement (CE) No 1272/2008. Son usinage peut cependant produire des poussières susceptibles d’irriter les voies respiratoires.

Le chloroforme figure dans la liste des substances dont la classification est harmonisée (annexe VI du règlement (CE) no 1272/2008). La substance a fait l’objet de plusieurs centaines de notifications auprès de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA). Les dangers identifiés sont :

Classification harmonisée Effet
Toxique aigu catégorie 4 en cas d’ingestion.
Toxique aigu catégorie 3 en cas d’inhalation.
La substance produit, chez l’animal des effets néfastes conduisant à la mort après ingestion unique d’une quantité modérée.
Chez l’homme, l’ingestion et l’inhalation d’une forte quantité entraine rapidement une dépression du système nerveux central avec vertiges, étourdissements et perte de connaissance pouvant évoluer jusqu’au coma accompagné d’une insuffisance respiratoire et d’un collapsus cardio-vasculaire. Le foie et les reins peuvent également être atteints.
Irritant cutané catégorie 2. La substance provoque chez l’animal une irritation légère de la peau. Le contact prolongé peut conduire à des dermatoses chez l’homme.
Irritant oculaire catégorie 2. Chez l’homme, des conjonctivites, et éventuellement des kératites non réversibles peuvent survenir.
Toxique pour les organes par exposition répétée, catégorie 1. La substance présente un risque présumé d’effets graves pour les organes à la suite d’expositions répétées ou d’une exposition prolongée.
L’inhalation répétée de chloroforme a provoqué des altérations hépatiques et rénales aussi bien chez l’homme que l’animal mais également des troubles neurologiques tels que des vertiges et des somnolences.
Cancérogène catégorie 2. La substance est susceptible de provoquer le cancer chez l’homme. Des études ont révélé l’apparition de tumeurs hépatiques et rénales chez l’animal. Les tests de mutagénicité in vitro et in vivo chez l’animal sont négatifs.
Toxique pour la reproduction catégorie 2 (effets sur la descendance). Chez le rat et la souris, la substance est embryotoxique. Des résorptions embryonnaires[4] ont été mises en évidence. La substance traverse la barrière placentaire.

Certains fournisseurs de chloroforme ajoutent le danger de toxicité pour les organes par exposition unique de catégorie 3 en raison des effets aigus narcotiques.

Le Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) classe le chloroforme dans le groupe 2B. Selon cet organisme, l’agent est peut-être cancérogène pour l’homme, sur la base de preuves suffisantes de cancérogénicité chez l’animal et de preuves insuffisantes de cancérogénicité pour l’homme.

Les mesures de prévention et de protection

Protection respiratoire
En France, pour le chloroforme, le code du travail (Art. R4412-149) établit une valeur limite d’exposition professionnelle contraignante dans l’air des locaux de travail : 2 ppm soit 10 mg/m3 pour 8 h, avec une mention « peau »[5]. Par ailleurs, une VLEP court terme (15 min) règlementaire est établie à 50 ppm[6].

Pour éviter l’inhalation de vapeurs, les émissions doivent être captées à la source, par exemple en travaillant sous sorbonne.

Un masque facial total avec cartouche de type AX ( Protection contre les vapeurs organiques dont le point d’ébullition est inférieur à 65° C) peut être utilisé pour des travaux de courte durée ou d’urgence.

Protection de la peau
Afin d’éviter l’absorption par la voie cutanée et les effets irritants cutanés, le port de gants de protection est nécessaire.
En cas de contact prévisible et prolongé, les matériaux de gants recommandés sont l’alcool polyvinylique (PVA) ou le fluoroélastomère (Viton®).
Pour les contacts par éclaboussure, des gants en butyle ou chloroprène (Néoprène®) peuvent aussi être utilisés.
Les matériaux déconseillés sont le polychlorure de vinyle (PVC), le latex, le nitrile, le néoprène fin.

Protection oculaire
Leur port devrait être systématique.


[1] Les polymères thermoplastiques constituent une classe de polymères qui peuvent être ramollis par la température puis usinés par des méthodes telles que l’extrusion, le moulage par injection, le thermoformage et le soufflage.

[2] La commercialisation du chloroforme n’est cependant pas autorisée pour le grand public, en vertu de la restriction 32 figurant à l’annexe XVII du règlement Reach (CE) No 1907/2006.

[3] La pression de vapeur saturante du méthacrylate de méthyle est de 9,1 kPa à 20 °C

[4] Interruption précoce de la gestation avec disparition de l’embryon.

[5] La mention « peau » accompagnant la limite d’exposition professionnelle indique la possibilité d’une pénétration cutanée importante.

[6] Circulaire ministère du travail (référence INRS)

 


Photo SValeriia | Adobe Stock.