Le principe de l’éthylotest chimique, appelé également « alcootest », repose sur la transformation d’un réactif contenu dans un tube et qui est balayé par le flux d’air provenant de l’expiration. Selon les modèles, l’air provient d’un « ballon » préalablement rempli par le sujet ou est expiré directement dans le dispositif.
Le calibrage de la quantité de réactif fixe la concentration d’éthanol par litre d’air qui déclenche un résultat positif ou négatif. Le résultat est visualisé par le virage de couleur du réactif présent dans le tube. Un éthylotest chimique est donc calibré pour une concentration donnée d’éthanol dans l’air expiré. Il existe ainsi sur le marché des éthylotests chimiques permettant de détecter le dépassement d’une alcoolémie de 0,1 ou 0,25 mg d’éthanol par litre d’air expiré, ce qui correspond respectivement à 0,2 ou 0,5 g d’éthanol par litre de sang. Ces valeurs correspondent aux limites d’alcoolémie tolérée en France[1].
L’éthylotest sans chrome
Certains éthylotests actuels ne contiennent pas de chrome, substance controversée, et leur principe repose généralement sur le virage de couleur d’un réactif à base d’iode. Il se compose d’un mélange incolore d’oxyde d’iode, par exemple de pentoxyde de diiode[2], et d’acide sulfurique[3]. Ce mélange oxyde l’éthanol de l’air expiré. L’oxydation de l’éthanol en acide acétique, et la réduction concomitante de l’oxyde d’iode produit du diiode I2. Celui-ci, en faible concentration, présente une couleur rouge. Le dépassement de la limite d’alcoolémie tolérée est ainsi repéré par le passage du réactif du blanc, couleur du support, au rouge.
Réaction d’oxydation de l’éthanol par le pentoxyde de diiode I2O5 + H2O → 2 HIO3 4 HIO3 + 5 C2H5OH → 2 I2 + 7 H2O + 5 CH3COOH |
L’éthylotest au chrome… en sursis
Les éthylotests chimiques contenaient tous, jusqu’au milieu des années 2010, un réactif à base de chrome(VI). L’oxydation de l’éthanol par le dichromate de potassium en présence d’acide sulfurique produisait de l’acide acétique, du sulfate de chrome(III) et du sulfate de potassium :
Réaction d’oxydation de l’éthanol par le dichromate de potassium 3 C2H5OH + 2 K2Cr2O7 + 8 H2SO4 → 3 CH3COOH + 2 Cr2(SO4)3 + 2 K2SO4 + 11 H2O |
Le dépassement de la limite d’alcoolémie tolérée est repéré par le passage du réactif jaune orangé (couleur du dichromate de potassium) au vert (couleur du sulfate de chrome(III)).
REACH tranchera entre les deux techniques…
Le dichromate de potassium est un composé dangereux à plusieurs titres. Sa classification et son étiquetage sont harmonisés dans l’Union européenne et il figure donc dans l’annexe VI du règlement CLP.
En plus de ses propriétés comburantes, liées à son caractère oxydant, c’est un composé dont la classification concerne pratiquement toutes les classes de danger toxique et écotoxique : toxique aigu par toutes les voies d’exposition, sensibilisant cutané et respiratoire, corrosif pour la peau et les yeux, dangereux pour les organes en cas d’exposition répétée, ainsi que cancérogène, mutagène pour les cellules germinales et toxique pour la reproduction (pour la fertilité et la descendance). Il est par ailleurs dangereux pour l’environnement aquatique à court ou long terme.
Les quantités de dichromate de potassium contenues dans les éthylotests qui en contiennent encore sont faibles et le réactif est inclus dans un dispositif en principe inaccessible. Cependant, cette utilisation suscite des préoccupations, non seulement à cause des situations d’expositions accidentelles éventuelles[4] mais aussi en raison des quantités importantes d’éthylotests mis en déchets après utilisation ou lors de leur péremption. En effet, aucune filière de déchet spécifique n’est en place[5].
En 2013, le dichromate de potassium a été placé dans la liste des substances soumises à autorisation[6] prévue par le règlement REACH. Il figure donc dans son annexe XIV et ne peut pas être utilisé en dehors des autorisations octroyées. Aucune demande n’a été octroyée pour une utilisation en tant que réactif d’éthylotest, une demande est actuellement déposée[7].
Par ailleurs, la Commission européenne a considéré les risques que posent les composés hexavalents du Chrome (Chrome(VI)) pour la santé humaine et l’environnement, en particulier l’absence de seuil de toxicité pour le danger cancérogène. Une proposition de restriction au sens du règlement REACH est en cours d’élaboration[8].
Les bonnes pratiques
- Tout éthylotest chimique de couleur jaune-orangé ou dont la notice mentionne un virage de couleur de jaune-orangé à vert doit être supposé contenir du dichromate de potassium. Compte tenu des préoccupations relatives aux composés hexavalents du chrome, l’unité PRC suggère de leur préférer des éthylotests chimiques sans chrome.
- Les éthylotest chimiques contiennent des substances classées corrosives (voire CMR pour ceux qui contiennent du dichromate de potassium). Il ne faut en aucun cas les casser et accéder au compartiment contenant le réactif.
- Les éthylotests chimiques utilisés, périmés, ou dont on souhaite se défaire sans les avoir utilisés, doivent être impérativement éliminés tels quels en déchets[9].
- Aucun éthylotest chimique, qu’il soit neuf, utilisé ou périmé ne doit être placé à la portée des enfants qui peuvent les briser et s’exposer à leur contenu, voire même les porter à la bouche. Les éthylotests chimiques ne devraient donc pas être rangés dans les boites à gants de véhicules familiaux sauf si celles-ci sont verrouillables.
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[1] L’alcoolémie maximale tolérée pour les détenteurs d’un permis probatoire, les conducteurs en situation d’apprentissage, les conducteurs de véhicules de transport en commun ou dont le droit à conduire est limité aux véhicules équipés d’un EAD (éthylotest anti-démarrage) est de 0,2 g d’éthanol par litre de sang (soit 0,1 mg par litre d’air expiré). L’alcoolémie maximale tolérée pour les détenteurs d’un permis de conduire autre que les précédents est de 0,5 g d’éthanol par litre de sang (soit 0,25 mg par litre d’air expiré).
[2] Le pentoxyde de diiode, de numéro CAS 12029-98-0, est aussi appelé anhydride iodique. L’iode y est à l’état d’oxydation +5 (noté I(V)).
[3] L’acide sulfurique permet l’environnement acide qui augmente le potentiel d’électrode standard E0 et favorise l’oxydation.
[4] Éthylotest chimique à usage unique / air expiré : quels risques ? Comité de coordination de toxicovigilance. Rapport rédigé à la demande de la Direction générale de la santé, juillet 2012.
[5] Quantité estimée mise en déchet par an de l’ordre de 300 kg de dichromate de potassium. L’éthylotest. Lydie Valade, Jean-Louis Pellegatta et Pierre Fau, L’actualité chimique – oct.-nov. 2012 – n° 367-368, 90-93.
[6] Cette inclusion figure dans le règlement (UE) n° 348/2013 de la Commission du 17 avril 2013.
[7] L’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) étudie actuellement une demande d’autorisation pour l’utilisation de dichromate de potassium dans les éthylotest déposée par un industriel. La décision n’est pas rendue à ce jour. L’obtention d’une autorisation se base sur la démonstration que les risques pour la santé et l’environnement apparaissent comme valablement maîtrisés ou que les avantages socio-économiques l’emportent sur les risques et qu’aucune solution de remplacement appropriée n’existe.
[8] L’ECHA a reçu mandat pour engager une procédure de restriction pour nombre de composés hexavalents du chrome, dont le dichromate de potassium. À terme, une restriction figure dans l’annexe XVII du règlement REACH et elle expose les limitations ou interdiction de fabrication, de mise sur le marché ou d’utilisation d’une substance, mais elle peut aussi imposer des conditions pertinentes, comme des mesures techniques ou des étiquetages spécifiques. La proposition de restriction en cours d’élaboration devrait intervenir en 2025.
[9] En l’absence de filière de déchet diffus spécifique (DDS), ces éthylotests peuvent être jetés dans les poubelles de déchets ménagers.
Image Philip Kinsey | Adobe Stock.