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Le BET : comment te dire adieu

Comment une contamination de surface par le bromure d'éthidium doit-elle être traitée ? Peut-on détruire le bromure d'éthidium dans des effluents liquides ? Le point sur l'élimination du BET.

À la suite d’un déversement de bromure d’éthidium, sous forme solide ou en solution, il est nécessaire de décontaminer les surfaces après collecte du déversement et rinçage de la surface. Les effluents liquides générés durant les manipulations contiennent aussi du bromure d’éthidium. Pour ces derniers, l’élimination en déchets liquides dangereux CMR est possible, mais la décontamination de ces volumes de liquide parfois importants peut aussi être envisagée.

Les techniques de décontamination des surfaces souillées

Différentes méthodes ont été mises au point au fil du temps. L’objectif est non seulement la disparition du bromure d’éthidium, mesurable par disparition de la fluorescence sous UV qui lui est associée, mais il convient aussi que cette disparition ne consiste pas en une transformation chimique en entités elles-mêmes susceptibles d’être mutagènes.

Les techniques à privilégier

Dégradation par action du nitrite de sodium et de l’acide hypophosphoreux

De nombreux laboratoires préconisent cette technique de décontamination pour le traitement de surface ou de matériels souillés. Cette technique, décrite par Lunn et Sansone [1], utilise une solution aqueuse de nitrite de sodium et d’acide hypophosphoreux. Elle conduit au remplacement partiel des amines primaires de la molécule de BET par l’oxygène. La méthode est aussi efficace pour traiter les solutions aqueuses contenant du BET : plus de 99,87 % de BET peut être éliminés. De plus, d’après les auteurs, les produits de réaction ne seraient pas mutagènes même si la méthode implique aussi l’utilisation d’un agent oxydant.

Cette méthode est adaptée aux surfaces et matériels compatibles avec le contact de solutions corrosives (verre, acier inoxydable, formica, céramique, dalles de sols, filtres de transluminateurs…). Les substances et le mélange final sont corrosifs et toxiques, il convient donc de les manipuler en utilisant des équipements de protection collective (préparation sous sorbonne) et individuelle (blouse, gants nitrile, lunettes de protection) adéquats. En cas de nettoyage d’appareils électriques (table UV par exemple), ils devront être mis hors tension avant toute manipulation.

  • Préparer extemporanément une solution de décontamination contenant :
    – 4,2 g de nitrite de sodium (CAS no 7632-00-0),
    – 20 mL d’acide hypophosphoreux à 50 % (CAS no 6303-21-5),
    – dans 300 mL d’eau.
  • Le pH du mélange doit être proche de 1,8.
  • Éponger les équipements et les surfaces contaminés avec une bande de papier absorbant imbibée de solution de décontamination.
  • Laver 5 fois de suite avec une bande de papier absorbant imbibée d’eau.
  • Les bandes utilisées sont placées dans un collecteur pour déchets chimiques dangereux, de même que les gants souillés. Dans le cas de la décontamination de matériels réutilisables, ils peuvent être immergés dans le mélange de décontamination au moins une heure sous sorbonne. La solution peut être ensuite amenée à un pH compris entre 5 et 9 avec du bicarbonate de sodium avant de rincer le matériel cinq fois à l’eau. Le reste de solution est éliminé en déchets liquides dangereux.

L’efficacité de la décontamination peut être contrôlée en utilisant une lampe UV ou en mesurant la fluorescence des eaux de lavage, la procédure peut être répétée si besoin.

Cette méthode peut aussi être utilisée pour traiter des solutions aqueuses de BET. Dans ce cas, pour 100 mL de solution aqueuse contenant au maximum 0,5 mg/mL de BET, sont ajoutés 20 mL d’une solution d’acide hypophosphoreux à 5 % et 12 mL d’une solution de nitrite de sodium à 0,5 M. Les solutions sont aussi préparées extemporanément. Après agitation brève, le mélange est laissé au repos sous sorbonne au moins 20 heures. L’acidité du mélange est neutralisée avec du bicarbonate de sodium si besoin, avant élimination en déchets liquides dangereux. Dans le cas de matériels ne résistant pas aux solutions corrosives, un nettoyage à l’eau distillée peut être fait en remplacement de la solution de décontamination, suivi de cinq rinçages à l’eau.

Décontamination par absorption

Pour la décontamination de surface poreuse et des liquides, la résine absorbante polymérique non ionique Amberlite XAD-16 peut être utilisée, 1 g de résine absorbe environ 3,5 mg de BET. Il s’agit d’une résine commerciale disponible chez de nombreux fournisseurs de produits chimiques. La résine est hydratée de manière à former une pâte puis appliquée environ 1 heure sur la surface à décontaminer. La surface est ensuite essuyée avec du papier absorbant. L’efficacité de la décontamination peut être contrôlée par dosage du BET dans les effluents. Enfin, tous les déchets solides sont éliminés en déchets chimiques dangereux. Cette résine ensachée est aussi efficace pour les solutions aqueuses contenant jusqu’à 500 µg/mL de BET.

Les techniques peu conseillées

Oxydation par l’hypochlorite de sodium

L’hypochlorite de sodium, ou eau de Javel, est un agent de décontamination biologique couramment utilisé au laboratoire pour désinfecter surfaces et matériels mais aussi souvent utilisé à tort pour nettoyer des surfaces souillées par des agents chimiques. La méthode de décontamination du BET par l’hypochlorite de sodium est présentée par Armour [2]. Cette méthode est controversée. En effet, l’hypochlorite de sodium est un agent qui, par oxydation, peut transformer des substances chimiques en substances réactives et donc toxiques. Quillardet et Hofnung [3] ont montré que les produits de dégradation du BET par l’hypochlorite de sodium possèdent, eux aussi, des propriétés mutagènes.

Dégradation par le permanganate de potassium en solution acide

Selon Quillardet et Hofnung, le permanganate de potassium (0,5 M) en solution d’acide chlorhydrique (2,5 M) oxyde le BET. Cette méthode est aussi controversée car les produits de réaction présenteraient eux aussi une activité mutagène (Lunn et Sansone [1]). En effet, comme l’hypochlorite de sodium, le permanganate de potassium est un agent oxydant.

Les techniques de décontamination des effluents

Absorption des effluents contaminés sur charbon actif
  • Entonnoir et filtre charbon : kit de filtration sur charbon (Whatman Extractor EtBr) gradué. Filtration de la solution au travers du filtre charbon. Élimination du filtrat à l’évier et du filtre en déchet solide dangereux.
  • Colonne d’adsorption (DuPont Amberchrom, Calbiochem Ethidium Bromide Adsorber…). Ces colonnes sont saturée à 300 mg et nécessitent un débit minimum de 200 mL/h. La résine Amberlite XAD-16 ensachée citée ci-dessus pour la décontamination des surface peut également être utilisée pour les effluents liquides.
  • Infusette : sachet d’élimination de 10 mg de bromure d’éthidium (MP Biomedicals). L’infusette est placé dans la solution de BET plusieurs heures. Élimination du filtrat à l’évier et de l’infusette en déchet solide dangereux.

 


→ Absorption par infusette

Les produits « miracles »

Certains fournisseurs commercialisent sous forme de lingettes imprégnées, sprays, infusettes… des produits de décontamination rapide. L’efficacité des produits est argumentée essentiellement sur la disparition de la fluorescence du BET et, quelquefois, sur la réalisation d’un test d’Ames. Il convient d’exercer la plus grande prudence vis à vis de ces produits peu documentés.


En savoir plus : Le BET : utile mais toxique ? | Le BET au laboratoire

 

[1] Lunn G. et Sansone E.B., Destruction of hazardous chemicals in the laboratory. 2nd Ed. Wiley-Interscience publication, 1994.

[2] Armour M.A., Laboratory methods for disposal of toxic inorganic and organic chemicals, Hazardous waste control in research and education, Korenga T. et al., Ed. Lewis Publisher, 1994.

[3] Quillardet P. et Hofnung M., Ethidium bromide and safety – readers suggest alternative solutions. Trends Genet., 4:89, 1988.

 

Crédit photo : nettoyage d’une surface souillée. Éric Menneteau, CNRS