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Aux fondements de la médecine du travail : Essai sur les maladies des artisans – De Morbis Artificum Diatriba

« Il y a beaucoup de choses qu’un médecin doit savoir, soit du malade, soit des assistants ; écoutons Hippocrate sur ce précepte : “Quand vous serez auprès du malade, il faut lui demander ce qu’il sent ; quelle en est la cause ; s’il a le ventre relâché ; quels sont les aliments dont il a fait usage.” Telles sont ses propres paroles ; mais qu’à ces question, il me soit permis d’ajouter la suivante : quel est le métier du malade ? » Bernardino Ramazzini, Préface de De Morbis Artificum Diatriba.

L’œuvre de Bernardino Ramazzini

De Morbis Artificum Diatriba, écrit par Bernardino Ramazzini en 1700 et publié à Modène, constitue le premier traité systématique de pathologie du travail.

Un ouvrage de référence, édité et enrichi jusqu’au XIXe siècle

Le texte proposé ici comporte le traité en l’état de l’édition augmentée de 1713 (l’édition originale de 1700 comptait 40 corps de métiers, soit 12 de moins que l’édition de 1713). Il s’agit du texte traduit, introduit et annoté en 1777 par Antoine-François de Fourcroy. Ce texte sera à nouveau repris et considérablement augmenté par la suite, notamment par Philibert Patissier en 1822.

Cette compilation d’affections professionnelles décrit les conditions de travail et les pathologies professionnelles qui leur sont associées dans 52 secteurs d’activités du XVIIe siècle. Des conseils de prévention ou des suggestions des remèdes sont parfois délivrés. Ramazzini structure son traité en deux parties. Il traite tout d’abord des affections liées aux agents chimiques voire biologiques (« la nature nuisible et pernicieuse des substances qu’ils travaillent »). Puis il développe celles conduisant à des troubles musculo-squelettiques (« d’une situation mauvaise des membres, de mouvements irréguliers du corps »). Cette structuration, exposée dès les premières pages du texte, sera reconduite et étoffée par Philibert Patissier[1].

La question du risque chimique

Observant que certaines affections surviennent subitement et d’autres après une longue période de travail, Ramazzini introduit les notions de toxicité aiguë et chronique. Il comprend également que les intoxications proviennent soit de l’inhalation, soit du contact cutané, voire de l’ingestion des polluants.
À titre d’exemple, il identifie avec acuité les affections respiratoires associées à l’exposition aux poussières des tailleurs de pierre, des plâtriers, des travailleurs du textile, etc. Il mentionne les irritations respiratoires et cutanées dont souffrent les blanchisseuses et il les attribue aux lessives et aux dérivés du soufre. Les intoxications systémiques au mercure sont pointées chez les doreurs, miroitiers et les chirurgiens pratiquant les controversées frictions mercurielles[2]. L’importance de la ventilation, l’utilisation de protections individuelles, sont identifiées par Ramazzini comme techniques efficaces de prévention.

Les chimistes sont évoqués de façon relativement succincte au 4e chapitre du traité. Ramazzini met en relation les troubles (respiratoires, narcotiques) qu’ils présentent et certains des composés manipulés (antimoine, arsenic). Il explique la survenue de ces troubles par la rigueur exigée des chimistes et l’impossibilité subséquente de se soustraire à l’exposition, mais n’aborde pas plus avant ni la prévention ni la protection.
Au travers d’un exemple de dispersion de vitriol, il introduit également la question de la pollution de l’environnement. Fourcroy dans sa note ajoute la notion de danger physique et enjoint les chimistes à exercer la prudence. « Les chimistes préviendraient une foule d’accidens qui les menacent s’ils pratiquaient leurs opérations dangereuses sous de grands manteaux de cheminées pourvues d’un fourneau d’appel » ajoutera Patissier, préfigurant ainsi l’usage de la sorbonne.

Gravure extraite de l’ouvrage : « Le vray et méthodique cours de la physique résolutive, vulgairement dite chymie : représenté par figures générales et particulières, pour connaître la théotechnie ergocosmique, c’est-à-dire l’art de Dieu en l’ouvrage de l’Univers » par Annibal Barlet. Éditeur N. Charles, Paris, 1653. Source : Gallica/BNF.

Consultation du traité

L’ouvrage est aujourd’hui librement consultable. Une version PDF (poids du fichier : 12,3 Mo) de l’édition de 1713 est téléchargeable ici.

Voir aussi le Traité des maladies des artisans, et de celles qui résultent des diverses professions, d’après Ramazzini par Ph. Pâtissier (1822) sur archive.org.

Sommaire
1. Des maladies auxquelles sont sujets les mineurs
2. Des malades des doreurs
3. Des maladies de ceux qui administrent les frictions mercurielles (30)
4. Des maladies des chimistes (32)
5. Des maladies des potiers de terre (34)
6. Des maladies des potiers d’étain
7. Des maladies de ceux qui travaillent dans les verreries et les glaceries
8. Des maladies des peintres
9. Des maladies de ceux qui sont exposés aux vapeurs de soufre
10. Des maladies des serruriers
11. Des maladies des plâtriers et des chaufourniers
12. Des maladies des apothicaires
13. Des maladies des vidangeurs
14. Des maladies des foulons
15. Des maladies auxquelles sont sujets ceux qui font les huiles, les corroyeurs et les autres ouvriers de cette classe
16. Des maladies de ceux qui préparent et vendent le tabac
17. Des maladies des fossoyeurs
18. Des maladies des sages-femmes
19. Des maladies des nourrices
20. Des maladies auxquelles sont sujets les marchands de vin, les brasseurs et les distillateurs d’eau-de-vie
21. Des maladies des boulangers et des meuniers
22. Des maladies des amidonniers
23. Des maladies qui attaquent les blutteurs, sasseurs et mesureurs de grains
24. Des maladies des carriers
25. Des maladies des blanchisseuses
26. Des maladies qui attaquent les liniers, chanvriers, et ceux qui cardent les cocons de vers à soie
 

27. Des maladies des baigneurs
28. Des maladies de ceux qui travaillent dans les salines
29. Des maladies propres aux ouvriers qui travaillent debout
30. Des ouvriers sédentaires et de leurs maladies
31. Des maladies des fripiers, des cardeurs de matelas et des chiffonniers
32. Des maladies des coureurs
33. Des maladies de ceux qui vont souvent à cheval
34. Des maladies des portefaix
35. Des maladies des athlètes
36. Des maladies des ouvriers en petits objets
37. Des maladies qui attaquent les maîtres de musique, les chanteurs, et tous ceux en général qui exercent leur voix.
38. Des maladies des laboureurs
39. Des maladies des pêcheurs
40. Des maladies des armées
41. Des maladies des imprimeurs
42. Des maladies des écrivains et des copistes
43. Des maladies des confiseurs
44. Des maladies des tisserands
45. Des maladies auxquelles sont sujets les ouvriers en cuivre
46. Des maladies des ouvriers en bois
47. Des maladies de ceux qui aiguisent au grès les rasoirs et les lancettes
48. Des maladies des briquetiers
49. Des maladies des cureurs de puits
50. Des maladies des matelots et des rameurs
51. Des maladies des chasseurs
52. Des maladies des savonniers

Source du document : Gallica / Bibliothèque nationale de France. Extrait du fichier PDF de l’ouvrage : Traité des maladies des artisans par Ramazzini. Traité de la maladie muqueuse par Roederer et Wagler. Mémoire de l’angine de poitrine par Jurine. Éditeur A. Delahays, Paris, 1855.

Portrait de Bernardino Ramazzini : auteur non précisé (domaine public).


[1] Traité de P. Patissier, Traité des maladies des artisans, et de celles qui résultent des diverses professions, d’après Ramazzini. J.P. Baillère Libraire, Paris, 1822

[2] Le regard ironique de Ramazzini accompagne le fil de l’ouvrage. Sur ces frictions, chap. 3 : Berengarius de Carpi est regardé comme le premier qui ait mit les frictions en usage. (…). Fallope, dans son traité de la vérole, rapporte que ce chirurgien gagna avec ses frictions, plus de cinq cent mille ducats d’or et qu’il tuait plusieurs de ses malades, quoi qu’il en sauvât la plus grande partie. On peut donc dire avec vérité que Berengarius sut beaucoup mieux que les alchimistes, transmuer le mercure en or par une vraie métamorphose.